Ma chère Emilie,
Ta dernière lettre m'a profondément touché. Cette confiance que tu me fais en me parlant aussi simplement ravive l'amitié que j'ai pour toi. Et pourtant, il y a en moi je ne sais quelle tristesse. Nous avons vécu tant de moments forts ensemble, depuis que tu es toute petite.
C'était si bon de croire en Dieu, de le prier, de faire équipe avec d'autres jeunes ... Que de rires partagés, de confidences échangées, de projets rêvés...
Te voilà maintenant à l'âge des questions. Et le monde d'aujourd'hui, tel qu'il est, ne t'aide pas à trouver des réponses. L'Eglise elle-même, malade dans nos pays d'Occident, te désarçonne plus qu'elle ne t'oriente.
Au nom de l'amitié qui nous lie depuis tant d'années déjà, j'ai envie d'essayer de te convaincre. Non pas que je veuille te forcer la main, mais je voudrais tant que tu puisses retrouver la paix et la joie de croire en cette source limpide d'amour que nous appelons Dieu.
Ce matin, avant d'écrire cette lettre, j'ai profité d'une éclaicie pour aller me promener. La nature m'est apparue si belle et si vivante. Le chant des oiseaux, ce petit rongeur fuyard, ces chevreuils aperçus le long des sentiers solitaires ... tout cela ma ravissait. Le violet, le blanc, le jaune de toutes ces fleurs, dont hélas j'ignore souvent le nom, se mêlaient pour le ravissement de mes yeux. Le tout réveillé par un peu de soleil. Et surtout ce silence animé par un vent léger ...
Ne crois pas que je vais te parler du big-bang et du Dieu créateur. Il est vrai qu'il nous arrive à tous de nous interroger sur l'origine de cet immence univers. La science et la religion nous donnent, chacune à leur niveau, des éléments de réponse. mais là n'est pas l'essentiel.
Aussi merveilleux que soit un coucher de soleil, aussi grandioses que soient les montagnes ou impressionnant, l'océan, cela suffit-il pour donner sens à notre vie ?
Tu le sais, ce qui fait vivre, c'est l'amour.
Facile, me diras-tu. Ce mot, on le trouve dans toutes les chansons et dans les sermons de curé. Vrai. N'empêche que cela reste le mystère le plus profond de l'existence. La science explique de plus en plus de choses, tout en continuant à poser énormémént de questions, mais l'amour qui en donnera les dernières raisons ?
Et je pense à cette jeune fille juive, Etty Hillesum, "disparue" à Auschwitz en 1943. Dans son journal intime, redécouvert ces dernières années, on peut lire comment elle arrive petit à petit à aimer ses ennemis, les Allemands, et à parler tout simplement à Dieu. Que s'est-il passé ? C'est un long chemin. Au point de départ, une vie "légère"; à la fin, un amour fou pour l'humanité tout entière et pour Dieu. "J'aime si terriblement les hommes parce qu'en chacun d'eux, j'aime quelque chose de toi mon Dieu", écrivait-elle le 1( septembre 1942.
Revenons à l'essentiel.
Soit, me diras-tu, mais on est encore loin de la religion. Qu'il y ait un Dieu quelque part et que l'amour soit le sul véritable soleil, je peux l'admettre. Mais que faire de toutes ces religions qui parlent chacune différemment ? Comment accepter cette Eglise parfois si désolante ?
Je ne vais pas répondre point par point à ta lettre. Ce n'est pas le moment de t'écrire un livre. Je voudrais simplement t'inviter à revenir à ce qui, pour moi, est l'essentiel.
Un historien, Jean Delumeau, a pu écrire récemment que nous étions sans doute, en Occident, la première société agnostique de l'humanité. Agnostique ? Qui ne sait répondre à la question de l'existence de Dieu. Ou qui n'ose plus, ai-je envie de dire. Pourquoi?
Je me demande si notre vie si encombrée d'activités et de bien matériels ne nous empêche pas de prendre le temps d'une rencontre en profondeur avec nous-mêmes.
Or, c'est là que toutes les questions finisssent par trouver réponses.
Te souviens-tu de ces moments où, en équipe, nous allions dans le bois ? Nous nous séparions alors et nous nous donnions une demi-heure de silence, chacun de son côté. Quand nous nous retrouvions, nous étions si heureux ... Et toi, la première.
Juste un an avant la phrase que je t'ai citée, Etty confiait ceci à son journal sprituel :" Il y a en moi de temps en temps une profonde aspiration à m'agenouiller, les maisn sur le visage, et à trouver ainsi une paix profonde, en me mettant à l'écoute d'une source caxhée au plus profond de moi-même".
Aussi loin que l'on remonte dans le passé de l'humanité, on trouve des traces de religion, comme si les humains n'arrivaient pas à se contenter de ce qu'ils peuvent voir et toucher.
Depuis toujours en effet, l'humanité à cherché plus loin. Et ce qu'elle pressentait, elle le traduisait en rites et croyances.
Parmi ces chercheurs de Dieu, je repère Jésus de Nazareth.
Jamis personne - telle est ma conviction- n'a parlé de Dieu comme lui. Alors que les religions abordaient souvent ce Mystère avec crainte et tramblement, lui vivait dans la confiance. "Regardez les lys des champs, ils ne sèment ni ne moissonnent et votre Père céleste les revêt de splendeur. Alors, que ne fera-t-il pas pour vous, ses enfants?"
Telle était en effet la manière dont Jésus nommait Dieu : Père ! La nuit, il se levait pour se retrouver en sa présence. Et durant la journée, il était d'un amour débordant pour tous ceux qu'il rencontrait, à commencer par les exclus.
Tu sais que l'histoire s'est mal terminée. Ils ont eu raison de lui.
Ils, c'est un peu nous tous finalement. Un message aussi simple est dérangeant, car il remet en question. L'Evangile est une bonne nouvelle, dit-on, mais à condition qu'on se laisse un epu secouer. Sinon ce livre est à ranger au musée des idées folles.
Au matin de Pâques, les chrétiens n'en restent pas là. Ils parlent de résurrection. Au matin de Pâques la tombe est vide. Il est maintenat vivant au coeur même de ce Dieu dont il avait tant parlé et, disent ses disciples toujours présents parmi nous, jusqu'à la fin des temps. Voilà 2000 ans que de générations en génération, on se transmet cette nouvelle comme une rumeur persistante.
Cela vaut au mooins dire qu'il y a dans l'Evangile un message qui peut fire vivre, et d'une vie tellment intance que la mort est vaincue.
Voici comment je résumarais l'Evangile.
"Tu es aimée par Dieu, notre Père des cieux. Aime donc à ton tour comme Jésus nous a aimés. Jusqu'au pardon de ses ennemis. jusqu'au don de sa vie.
Je voulais te convaincre... tu vois, ce n'est pas bien grave? Je ne t'ai pas aligné des arguments massue, mais je t'ai simplement adressé une invitation...
Ce qu'il y a en plus, tu le comprendras peut-être plus tard. Tu découvriras aussi qu'il y a des choses qui se sont ajoutées au fils des siècles et qui ont alourdi inutilement le message.
Ne laisse cependant pas un arbre cacher la forêt...
Je t'embrasse avec amitié.
Père Charles.
Ven 30 Nov - 15:20